Mon bichon – Hervé Lozac’h.

 

Hervé Lozac’h 

 

Ne crains pas que ta vie s’achève, mais que jamais elle ne commence

 

Pierre Bichon est comptable. À l’aune de ses 52 ans, il a un rêve : ne jamais retourner au bureau mais, à l’occasion de ses prochaines vacances, devenir écrivain. Si l’entreprise va s’avérer pour le moins délicate, reste que cette seule initiative va l’amener à vivre toute une série d’aventures digne du roman qu’il n’aurait sans doute jamais imaginé. Plus encore, c’est sa vie qu’il va réécrire.

 

Roman aux accents de comédie à l’italienne, Mon Bichon dépeint non sans humour l’itinéraire d’un homme « comme tout le monde » en prise avec ses rêves endormis et ses audaces à la peine, mais décidé à réfuter la fatalité.

 

Extrait

 

Première partie

 

— Bichon !

 

À l’appel de mon nom, et sur l’instant, je redressai la tête dans un mouvement réflexe presque canin. À quelques chromosomes près, mes oreilles se seraient redressées, et j’aurais sorti la langue. Je me détestais dans cette façon de garde-à-vous, piètre conditionnement, auquel pourtant je ne manquais jamais de succomber. La porte de mon bureau venait de s’ouvrir sans qu’on ait pris soin de toquer, et devant moi se tenait mon directeur, Pierre Sayag, jeune fringant qui aurait eu probablement l’âge de mon fils pour peu qu’un jour je me sois donné la peine d’en faire un. Aucun risque pourtant de filiation, il était tout ce que je n’étais pas… hâbleur, beau gosse, semblant inlassablement sourire à la vie, qui lui souriait en retour.

 

Ainsi posté à l’encoignure de ma porte, et dans cette façon amusée qui était son habitude, il me toisa un court instant.

 

— Pardon, Bichon, dès que vous aurez fini de jouer avec Internet…

— Ah mais je ne joue pas !

— Je sais, je sais… Je plaisante, Bichon.

 

De bonne grâce, j’affichais un frêle sourire de connivence, sourire entendu qu’il me rendit brièvement.

 

— Enfin bon, quand vous aurez fini…, vous voudrez bien clore la compta Dufrennes et Bertier avant ce soir, comme ça, c’est réglé avant la rentrée !

— C’est-à-dire que… C’est qu’il y en a quand même pour un moment, et là, il est déjà près de 17 heures.

— Oui je sais, mais qu’est-ce que vous voulez, c’est impératif qu’on boucle avant ce soir. Vous terminerez un peu plus tard, et puis voilà, il n’y a pas outrage non plus. Demain, c’est les vacances, et les vacances, c’est le repos, non ?… Eh bien, à bientôt, mon Bichon, et puis bonnes vacances !

— Vous aussi…

 

Je n’eus pas le temps de finir ma phrase – que, somme toute, je n’envisageais pas plus longue –, et déjà Sayag avait disparu. Il sortit comme il était entré, avec cette irrévérence du prince en son royaume, me laissant bouche bée devant une porte que, bien sûr, il ne prit pas davantage soin de refermer.

 

A propos de l’auteur

 

 

Hervé Lozac’h est scénariste et réalisateur de nombreuses fictions et séries documentaires. Mon Bichon est son premier roman.

 

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