Faire médecin : Une sociobiographie. – Michel Bass.

 

Dans l’ouvrage Faire médecin : Une sociobiographie, l’auteur Michel Bass revient sur son parcours singulier : médecin de formation, sociologue par choix, alpiniste et musicien par passion. Publié le 2 octobre 2025 aux éditions Éditions L’Harmattan (collection « Graveurs de mémoire »). Ce livre n’est pas un simple témoignage : c’est une réflexion profonde sur ce que signifie « faire médecine » dans notre société contemporaine, sur les attentes, les normes, les possibles renoncements et les alternatives.

 

Le propos central

 

Michel Bass interroge d’emblée la logique de son engagement :

« Pourquoi décider un beau jour de « faire médecine » ? À quoi donc forme-t-on les médecins ? »

Il pose ainsi la question de la liberté – liberté de penser, de soigner, d’agir – face à un milieu structuré, hiérarchisé, aux usages bien établis. Le milieu médical, rapidement selon lui, « vient contrecarrer cette liberté ».
Le livre explore donc deux grands pôles :

1. Le chemin classique, attendu, vers la médecine – formation, intégration, rites d’entrée dans la « confrérie » médicale.

2. Le chemin choisi et revisité : lorsqu’on refuse les comportements attendus, lorsqu’on emprunte d’autres voies, et alors, « quelle médecine » pratiquer ?

 

Le parcours de Michel Bass

 

Michel Bass n’est pas un médecin « standard ». Sa trajectoire se répartit en plusieurs temps :

• Médecin de formation ; puis il poursuit des études en santé communautaire et en sciences humaines.

• Sociologue et acteur dans le champ de la santé publique : il a dirigé la PMI (Protection maternelle et infantile) et l’Aide sociale à l’enfance dans la Drôme. Il a été médecin en EHPAD, et a fondé l’association AFRESC (Association Formation Recherche en Santé Communautaire).

• Alpiniste, musicien, installé dans un village du Vercors, il mêle vie personnelle, terrain et réflexion sociale.

Cette multiplicité d’identités lui permet d’aborder la médecine sous un angle différent : non pas seulement soignant de maladies, mais acteur de santé globale, attentive au patient dans sa globalité (corps, parole, contexte).

 

Thèmes majeurs explorés

 

1. La formation et l’entrée dans la médecine

Le livre interroge ce que devient l’aspiration initiale à « faire médecine » : est-ce d’abord un désir de soin, de contribution sociale, ou bien un passage par des rites d’appartenance ?
Michel Bass s’attarde sur les usages, les normes, les attentes de la communauté médicale : faut-il « rentrer dans la confrérie » et adopter ses codes pour être reconnu ? Et si on refuse, quelle place reste-t-elle ?

 

2. La distance avec les usages dominants

L’auteur, en poursuivant des études en sciences humaines et santé communautaire, refuse un modèle purement biomédical ou hiérarchique. Il entend « promouvoir la santé individuelle et collective – et pas seulement soigner des maladies ».
C’est aussi un questionnement sur la toute-puissance médicale (« hubris ») et sur les limites de la médecine centrée sur le seul malade sans prendre en compte son environnement, sa parole, sa vie.

 

3. Le praticien-chercheur engagé

Michel Bass, par sa double compétence (médecine + sociologie), incarne un praticien qui interroge ses propres pratiques. Il partage des réflexions sur la manière de soigner autrement : en relation, en écoute, en contexte. Il met en exergue l’importance de l’éducation pour la santé, de la dimension communautaire.
Ce positionnement est fertile pour qui s’intéresse à la santé publique, à la médecine humaniste ou à l’évolution des professions de santé.

 

Pourquoi ce livre est-il intéressant ?

 

• Parce qu’il offre un récit très personnel, mais ajusté par une réflexion sociologique : ce mélange de récit de vie + commentaire critique est rare.

• Parce qu’il s’adresse non seulement aux professionnels de la santé, mais aussi : aux étudiants en médecine, aux sociologues de la santé, mais aussi aux citoyens qui s’interrogent sur ce que signifie « être soigné » ou « soigner ».

• Parce qu’il questionne la logique dominante en médecine : la hiérarchie, la spécialisation, la technicisation, et propose d’autres pistes : soin contextualisé, environnement, parole du patient.

• Parce que dans un contexte de transformation des systèmes de santé (vieillissement des populations, attente de médecine plus globale, augmentation des maladies chroniques), ce type de réflexion est d’une grande actualité.

 

À qui s’adresse ce livre ?

 

• Étudiants en médecine ou en sciences de la santé qui hésitent ou souhaitent comprendre ce qui les attend au-delà de la technique.

• Professionnels de santé cherchant à donner du sens à leur pratique ou à s’interroger sur le rôle social et humain du soin.

• Chercheurs ou étudiants en sociologie/anthropologie de la santé qui cherchent un récit de terrain doublé d’analyse.

• Lecteurs intéressés par des récits de vie, par les parcours atypiques, par les intersections entre médecine, société, humanisme.

 

Points de vigilance / limites

 

• Ce n’est pas un manuel pratique de soins, ni un guide technique : l’ouvrage est à la croisée entre essai, récit de vie et réflexion.

• Certains lecteurs chercheront peut-être davantage de données empiriques ou d’études quantitatives : ce livre privilégie la dimension qualitative et réflexive.

• Le style peut nécessiter un lecteur attentif, prêt à suivre les digressions propres à la sociobiographie.

 

Ce que j’en retiens

 

• « Faire médecine », ce n’est pas seulement une formation ou un diplôme. C’est un engagement, un choix de vie, une manière d’être au monde.

• Le milieu médical n’est pas neutre : il comporte des usages, des normes, des logiques d’appartenance. S’en rendre compte, c’est aussi ouvrir la voie à une médecine plus consciente.

• Le patient comme sujet à part entière : il n’est pas seulement la maladie, mais la personne, son environnement, son histoire.

• L’importance de sortir des cadres pour repenser la pratique : santé communautaire, sciences humaines, interdisciplinarité.

• Le soin comme action sociale, collective, et pas seulement individuelle.

 

Conclusion

 

« Faire médecin » de Michel Bass est un ouvrage qui mérite d’être lu pour son originalité, son authenticité et sa profondeur. Il s’agit d’un pont entre la pratique médicale et la réflexion sociologique, entre la technique et l’humain, entre le soin et la société.
Pour toute personne qui s’interroge sur ce que signifie « soigner » aujourd’hui, qui souhaite comprendre les enjeux de la médecine contemporaine, ou simplement qui veut un témoignage honnête et critique, ce livre est une belle proposition.

 

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