Est-il possible de modifier les souvenirs d’une personne pendant son sommeil ?
Les différentes phases du sommeil et leur utilité
Au cours d’un sommeil nocturne, le cerveau traverse en moyenne 5 cycles de 90 minutes comprenant chacun le sommeil léger puis le sommeil profond puis le sommeil paradoxal avec une prépondérance des sommeils léger et paradoxal en fin de nuit. Ce sommeil prépare le cerveau à encoder de nouvelles informations et consolide les mémoires déjà encodées. Le sommeil profond du début de nuit a deux fonctions essentielles : préparer les circuits cérébraux à de nouveaux encodages et assurer la consolidation active (renforcement et restructuration) de la mémoire déclarative (épisodique et sémantique). Le sommeil paradoxal, plus tardif, a pour fonction principale de consolider la mémoire procédurale (habiletés motrices et perceptives) et, en partie au moins, la mémoire émotionnelle.
Le sommeil prépare-t-il le cerveau à mieux apprendre ?
Outre ses fonctions de régulation physiologique (métabolisme, fonctions immunitaires…), le sommeil optimise notre capacité à apprendre. Il est établi qu’une privation de sommeil entraîne une dégradation de l’encodage lié à une moindre activation de l’hippocampe et un déficit de mémoire déclarative. La réduction sélective de la durée nocturne du sommeil profond sans réduction de la durée du sommeil total a les mêmes effets. A l’inverse, une sieste en début d’après-midi rétablit pleinement, le soir venu, les capacités d’encodage compromises par une journée de veille. On pense que le sommeil profond restaure nos capacités d’apprentissage en « réinitialisant » les circuits cérébraux de stockage « saturés » par la veille. Un sommeil léger (personnes âgées), des apnées du sommeil, ou simplement un excès de bruit suffisent à compromettre cette restauration.
Le sommeil peut-il modifier les souvenirs ?
L’effet bénéfique du sommeil sur la mémoire ne se limite pas à une « protection » contre sadéterioration (oubli) ou contre les interférences. Outre ces fonctions « quantitatives », le sommeil sous-tend un traitement/retraitement des informations mémorisées aboutissant à une modification »qualitative », des souvenirs. Après l’endormissement, les éléments nerveux (neurones et structures cérébrales) activés par un apprentissage donné sont spontanément réactivés suggérant que le cerveau endormi non seulement « révise » mais « travaille sur » les informations qu’il vient d’apprendre. De fait, il y a cours du sommeil un triage entre l’important et le secondaire mais aussi l’assimilation de nouvelles connaissances et de leur restructuration.
Le sommeil permet-il de trouver la solution à certains problèmes ?
Dans le domaine de l’art comme dans celui des sciences, de nombreuses créations ou découvertes auraient vu le jour – d’après leurs auteurs eux-mêmes – à la suite de rêves plus ou moins symboliques. Outre ce possible « génie onirique », des expériences menées récemment montrent que des informations acquises avant une nuit de sommeil – ou avant une sieste – peuvent être restructurées pour, au réveil, être utilisées de façon nouvelle et plus efficiente. Il en est ainsi de la résolution d’anagrammes, de problèmes de mathématiques ou de jeux video, de la capacité à répondre à des questions impliquant des déductions (inférences) ou encore de la transformation d’une mémoire implicite en connaissance explicite et donc contrôlable.
Pourquoi certains se souviennent de leurs rêves et d’autres pas ?
Le cerveau qui dort – et reste endormi- n’est pas physiologiquement capable de se souvenir de ses rêves. Pour que ce souvenir existe, le rêve doit être immédiatement suivi d’un court réveil qui « réactive » son contenu, permettant à l’hippocampe « réveillé » de le prendre en charge pour le maintenir en mémoire.
A l’appui de cette idée, il a été montré que certaines régions du cerveau des « dits-rêveurs » réagissent beaucoup plus aux stimuli de l’environnement – qui les réveillent – que celles des « dits-non rêveurs ». D’ailleurs, des lésions affectant ces mêmes régions suppriment le souvenir des rêves. Enfin, le contenu lui-même du rêve, sa cohérence, sa charge émotionnelle, faciliteraient sa prise en charge lors du réveil nocturne et sa mise en mémoire.
Quelques conseils
Un sommeil nocturne de durée et/ou de qualité insuffisante compromet à la fois la formation (encodage) et la consolidation de la mémoire. Chez les enfants, les étudiants, les personnes âgées ou les patients souffrant de troubles du sommeil, il est donc important [d’essayer] d’y remédier. Pour, en somme, échapper à la double peine !
De courtes siestes semblent suffisantes d’une part pour redynamiser la capacité à apprendre qui sedéteriore avec la veille et d’autre part pour consolider ce qui vient d’être appris.
Se remémorer mentalement ce qui a été appris avant d’aller dormir potentialise l’effet du sommeil sur la mémoire, notamment déclarative. C’est aussi le cas pour ce que l’on doit faire le lendemain (mémoire prospective).
Nous avons posé la question la question aux français avec l’IFOP- savoir si nous pouvions apprendre en dormant – pour connaître les résultats, cliquez ici
Le Pr Robert Jaffard, neurobiologiste et membre du Conseil scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires, commente que le cerveau endormi perçoit non seulement des informations sensorielles auditives ou olfactives mais il les discrimine, réagissant de façon différente en fonction de leur signification.
Cette faculté, nécessaire, est-elle aussi suffisante pour que l’on puisse apprendre en dormant ou que nos souvenirs puissent être modifiés pendant notre sommeil ?
Les résultats de l’enquête montrent d’abord que 29 % de la population est certaine de la première possibilité contre 12 % seulement pour la deuxième. Ensuite et surtout, si l’on additionne les « probablement » (oui et non) la proportion atteint 68 % dans le premier cas et 81% dans le deuxième, ce qui traduit une assez forte incertitude de la population.
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